
Le Projet Alegría – Femmes productrices de café au Honduras
Honduras
Un collectif né au sein de COMSA, au cœur des montagnes de Montecillos, entre agriculture régénérative et solidarité féminine
- Le Honduras, une terre de café en reconstruction
Le Honduras est l’un des plus grands producteurs de café d’Amérique centrale, mais aussi l’un des plus fragiles. Les crises du café, la pauvreté rurale, la corruption et l’exode des jeunes ont profondément marqué les campagnes. Dans ce contexte, le café n’est pas qu’un produit d’exportation : il est un moyen de survie, un levier d’émancipation et une chance de rester sur ses terres.
La région de La Paz, au sud-ouest du pays, frontalière avec le Salvador, fait partie de la chaîne de montagnes de Montecillos, terroir historique du café hondurien. Ici, les altitudes élevées, les sols volcaniques et un microclimat propice donnent naissance à des cafés lumineux et élégants. Mais derrière cette richesse naturelle, les producteurs ont longtemps souffert d’un manque de moyens, d’accès au marché et de reconnaissance.
- La coopérative COMSA : quand la crise devient une opportunité
C’est dans ce contexte qu’est née en 2001 COMSA (Café Orgánico Marcala S.A.). Alors que les prix du café s’étaient effondrés, que les intrants chimiques étaient devenus inabordables et que les fermes étaient abandonnées, un petit groupe de producteurs a fait un pari fou : reconstruire une agriculture sans chimie, tournée vers les sols vivants. Avec à peine 600 dollars en caisse, mais une vision claire, ils se sont organisés autour de principes biologiques et régénératifs.
Vingt ans plus tard, COMSA compte plus de 1200 producteurs membres et est devenue un modèle reconnu dans toute l’Amérique latine. Ses innovations vont bien au-delà du café :
- 25 % des revenus sont consacrés à l’éducation, avec une école alternative inspirée Montessori, ouverte à tous les enfants, y compris en situation de handicap.
- Des bourses d’études permettent à de jeunes honduriens d’aller se former à l’étranger.
- Une usine de recyclage locale transforme les déchets plastiques en matériaux de construction et en meubles, réduisant ainsi la pollution tout en créant de l’activité économique.
- Des cours réguliers de dégustation et d’agronomie donnent aux producteurs les moyens de mieux comprendre la valeur de leur café et d’améliorer leur qualité.
COMSA a ainsi prouvé qu’une coopérative pouvait être à la fois économiquement viable, socialement engagée et écologiquement responsable.
- Alegría, un projet collectif porté par des femmes
C’est dans ce terreau qu’a émergé en 2024 le projet Alegría, réunissant un petit groupe de femmes productrices issues de COMSA. Si le café du Honduras reste une culture largement dominée par les hommes (seules 24 % des exploitations sont dirigées par des femmes), Alegría veut montrer que les femmes ont toute leur place dans la transformation de la filière.
Réparties sur la chaîne de montagnes de Montecillos, ces caféicultrices partagent une même conviction : cultiver un café qui respecte la nature et qui leur permette de construire un avenir plus digne. Elles appliquent les principes de l’agriculture régénérative :
- développement de la microbiologie des sols pour renforcer leur fertilité,
- plantation d’arbres forestiers et fruitiers (de 76 à 112 par hectare en moyenne) pour créer un microclimat stable,
- gestion responsable de l’eau et diversification des cultures pour sécuriser les revenus des familles.
Leur travail est à la fois agricole, écologique et social : en prenant soin des sols et des forêts, elles prennent aussi soin des communautés.
- Des femmes au cœur du changement
Le projet Alegría n’est pas seulement une aventure agricole : c’est une aventure humaine et politique. Dans un pays marqué par l’exode, la violence et l’instabilité, ces femmes choisissent de rester, de s’organiser et de montrer qu’un autre modèle est possible. Leur café porte un message de résilience et d’émancipation féminine.
Alegría, qui signifie littéralement joie en espagnol, est bien plus qu’un nom : c’est une promesse. La promesse qu’un café puisse être à la fois un produit de terroir raffiné et un outil de transformation sociale.